Atelier de poésie au service néonatologie de l'hôpital Robert Debré
Mathilde ToulotChaque premier et troisième mardis du mois, je propose aux parents et à leurs bébés de découvrir les bienfaits de la lecture poétique à travers de petits ateliers que je mène en chambre. Ce sont souvent des moments apaisants, parfois avec un brin de magie.
Ce n’est pas un exercice facile. C’est même souvent un numéro d’équilibriste. Je parcours les couloirs, je cherche le bon moment, celui où la famille connaît un répit, où bébé n’est pas en soin, où il s’est, enfin, lové contre la peau nue de sa maman pour un instant presque “normal” de vie ensemble.
C’est là que je toque doucement à la porte et que je propose qu’on passe un moment ensemble à découvrir les poèmes. On pourrait croire qu’un parent inquiet a mille choses à faire plutôt que ça. C’est le contraire. Quand on est submergé par des enjeux tragiques, on a envie de sentir très fort le sel de la vie.
Quoi d'autre que d’échanger des mots avec son nouveau-né sur cette expérience qu’il traverse, sur le monde dans lequel il est plongé, sur ses fleurs et ses épines. Prononcer les mots amour, confiance, étoile, tendresse, éléphant, nénuphar ou encore cosmos, ça fait un bien fou. C’est se connecter l’un à l’autre. Bébé entend tout le bien qu’on lui souhaite, tout l’amour qu’on lui porte. Les récentes études scientifiques internationales montre les bienfaits de la lecture (regardez l'interviews de Valérie Biran et Adèle Boulanger-Hirsch à ce sujet).
Je suis arrivée dans le service en octobre 2024. J’ai contacté l’hôpital pour leur parler du projet de poésie À toi qui es là et je ne pouvais pas mieux tomber : Adèle Boulanger-Hirsch, orthophoniste, avait mis en place le dispositif “lire à mon bébé en néonat” quelque temps auparavant. Le destin attendait qu’on se rencontre. Nous avons tout de suite parlé le même langage. Et ce fût la même évidence avec Valérie Biran, cheffe au coeur vibrant du service de néonatologie de l’hôpital Robert Debré.
La première fois qu'elle m’a montrée un bébé grand prématuré, je n’ai pas pu retenir mes larmes devant le spectacle d’une telle vulnérabilité mêlée à cet incroyable force de vie. Dès la première minute, j’ai été touchée au coeur. J’ai commencé en accompagnant les bénévoles de la bibliothèque de Robert Debré dans leurs tournées pour prêter des livres. Ce furent des expériences fondatrices.
Un service néonat' est un monde à part. Les enjeux de vie et de mort y sont exacerbés. Le besoin des parents d’être accompagnés et réconfortés, à l'avenant. J'admire leur force. Leur sourire, leurs confidences, leur stratégie pour tenir. Comme ce papa qui me confie les yeux brillants, "je lui lis des histoires et je change les noms pour donner à tous ces héros celui de ma fille, je sais qu'elle m'entend".
Je suis heureuse de naviguer à leur côté dans cette houle gorgée d'amour et d'espoir.
*Robert Debré est l’un des grands hôpitaux universitaires pédiatriques parisiens.
Photo (de gauche à droite) : Moi-même, Amélie et Jessie, les auxiliaires de puériculture, dans les couloirs du service néonat' en octobre 2025.